Rappelons tout d’abord ce que recouvre cette dénomination d’administrateur indépendant.
Cette notion est apparue dans les sociétés commerciales et, notamment, dans les sociétés cotées.
L’introduction de ces administrateurs indépendants dans les conseils d’administration résultait d’une double volonté :
Examinons maintenant les particularités de fonctionnement des coopératives agricoles afin de voir si cette notion d’administrateur indépendant est appropriée ou non.
Une spécificité du modèle coopératif repose sur la double qualité (Sociétaire/Client, Sociétaire/Fournisseur). En conséquence, les administrateurs d’une coopérative agricole n’ont pas uniquement une relation « capitalistique » avec leur coopérative. N’oublions pas que la coopérative agricole a pour origine la mise en commun d’un outil de production. Elle reste avant tout le prolongement de l’exploitation de l’associé coopérateur. L’administrateur, dans sa prise de décision, va certes être influencé par la rémunération de son capital (qui rappelons le est limitée) ou le versement d’une ristourne mais ce qui va l’intéresser au premier chef c’est la capacité de la coopérative à valoriser au mieux sa production.
Dans ce contexte particulier, les risques de dysfonctionnement éventuels d’un conseil d’administration en coopérative agricole ne sont donc pas les mêmes qu’en société commerciale.
Ces risques portent principalement :
Il apparaît donc clairement que, malgré les spécificités des coopératives agricoles, les conseils d’administration ne sont pas exempts de risque de dysfonctionnement, sans parler parfois de la trop grande prééminence de la direction dans les décisions face un investissement ou une formation trop faible des administrateurs sur des sujets techniques ou complexes.
Dans ces conditions, l’intégration de personnalités qualifiées extérieures au conseil d’administration des coopératives a du sens.
Une ou deux personnes extérieures dans un conseil d’administration de coopératives agricoles permettraient de :
Le choix de ces personnes est délicat car leur profil doit correspondre aux compétences dont la coopérative a le plus besoin dans son contexte mais aussi disposer d’une personnalité compatible avec l’ADN de la coopérative et celui du conseil.
Sa posture devra être équilibrée lors des débats du conseil pour faire entendre sa voix et jouer son rôle mais aussi pour ne pas apparaître comme le sachant qui vient donner des leçons aux autres membres du conseil qui ont, eux, une expérience terrain.
L’intérêt de l’ouverture du Conseil d’Administrateur à des membres indépendants dans les coopératives agricoles apparait indiscutable.
Cependant, au regard des textes qui régissent les coopératives agricoles, la question se pose de savoir quel titre donner à ces personnes extérieures et jusqu’où aller.
La notion d’administrateur indépendant telle que définie pour les sociétés commerciales et reprise dans les codes Afep Medef ou Middle Next peut-elle être calquée dans les coopératives agricoles ?
Rappelons que pour les sociétés commerciales qui décident de se doter d’un ou de plusieurs administrateurs indépendants, elles doivent, dans ce cas, modifier leurs statuts pour introduire cette nouvelle catégorie d’administrateur uniquement avec voix consultative et qu’ils sont alors nommés par l’assemblée générale.
Pour une coopérative agricole, la situation est plus complexe car les statuts ne peuvent être librement adaptés. En effet, ils doivent se conformer aux modèles de statuts tels qu’approuvés par décret.
Il n’est donc pas possible juridiquement de modifier les statuts d’une coopérative agricole pour créer une catégorie d’administrateurs dénommés administrateurs indépendants et répondant à des critères identiques à ceux que l’on trouve dans les sociétés commerciales.
Dans ces conditions, deux solutions s’offrent à la coopérative agricole :
Le Règlement Intérieur de la coopérative agricole devra apporter un éclairage sur la création de ce nouveau poste et préciser les conditions du choix de la personne, la nature de sa mission, et la durée durant laquelle la personne qualifiée sera invitée au conseil.
La qualité du fonctionnement d’un organe de gouvernance, tel que le conseil d’administration, résulte toujours d’une alchimie particulière entre les femmes et les hommes qui le compose. Le rôle du Président est clé pour créer cette alchimie de fonctionnement donnant à cette instance toute sa pertinence. L’arrivée d’une ou de plusieurs personnes extérieures, bien qu’ayant du sens, doit toujours être envisagée en associant l’intégralité du conseil à la démarche afin de permettre au conseil de bénéficier de cet apport extérieur.